DISTANCE
une book-club qui prend de la distance
Les yeux dans les yeux, dans la fraîcheur,
nous aussi, commençons :
respirons le voile
qui nous dérobe l'un à l'autre
quand le soir s'apprête à mesurer
ce qui sépare encore
chaque forme
qu'il nous a accordée à tous les deux.

[Paul Celan, Lointains]
Aug in Aug, in der Kühle,
lass uns auch solches beginnen :
gemeinsam
lass uns atmen den Schleier,
der uns voreinander verbirgt,
wenn der Abend sich anschickt zu messen,
wie weit es noch ist
von jeder Gestalt, die er annimmt,
zu jeder Gestalt,
die er uns beiden geliehn.

[Paul Celan, Fernen]



Tout cela dans un seul kilomètre
(Mais ce n'est pourtant pas un texte que j'adore, mais quand j'ai lu DISTANCE, j'ai eu ça dans la tête aussitôt, alors voilà.)

L. j'aimerais bien
qu'on soit proches

C. mais on est proches



L. je veux dire d'accord
on est proches
mais je veux dire
mon dieu
je veux dire proches proches
vraiment proches
proches autrement
oui on est proches
mais
pas proches

C. mais on est proches

L. oui je sais
mais je veux dire
je ne sais pas
je veux dire
quelque chose d'autre
proches autrement
autrement merde

C. tu veux dire qu'on devrait coucher ensemble ?

L. non
je ne sais pas

C. mais ça c'est déjà fait
je veux dire
je ne comprends pas ce que tu veux dire
proches proches
qu'est-ce que tu entends par proche ?

L. eh bien "proches" justement

C. "proches" comment ?

L. proches

C. proches

L. proches

C. proches ?

L. oui, mais proches autrement, proches, justement, pas "proches", mais proches

(...)



(Une musique très lent, mélancolique, fragile, L. interprète sa chanson dans l'atmosphère de la scène précédente.)

https://www.youtube.com/watch?v=zXhLFb34nz4
C'est un genre de livre d'images, ça s'appelle "Bravo la vie !".


Entre le moment où j'ai commencé à Tours et le moment où j'ai fini à Pantin, il y a une DISTANCE de quatre ans.


Entre Pantin et Tours, il y a une DISTANCE de 247 km.


Entre "Celui qui vous salue" en bas à gauche et ""Le très heureux" en bas à droite, il y a une DISTANCE de 2m10.


Entre "Celle qui se rend à la conférence de la huppette" en haut au milieu et "Karin raconte le film de zombies qu'elle a vu hier soir" en bas au centre, il y a une DISTANCE de 1m47.


Entre la page en haut à gauche et la page en bas à droite, il y a une DISTANCE dans le style de dessin employé, que je n'arrive pas à quantifier.
coucou j'ai fait cette vidéo

lova x 10000
Une femme derrière son ordinateur.

COCO : Chers vous dix,
Je suis à la maison, il n'y a personne, où êtes-vous, je patiente, j'ai pensé à poster ma patience sur notre mur : quand je rentre à notre maison, quand je me tapis dans le petit salon, derrière les rideaux, dans le salon avec une seule table, quand je mange à la cuisine les penne aux poireaux et aux saint-jacques que quelqu'un a cuisinées pour au moins quatre, mais où réussissez-vous à voler des saint-jacques ? quand je n'attends plus rien, quand j'ai préparé un pull et un châle à portée, quand je suis si seule et si calme, au sein d'une seule lampe, quand je sens vos visages à l'intérieur de mon visage, et j'entends nos prénoms qui s'appellent, quand : nous allons bâtir dans l'air du soir un abri fait de feuilles où vivre ensemble est suffisant, alors je me récite toujours le même poème. 
Si vous voulez l'entendrez, likez.
xoxo,
Coco, la onzième
*



Un homme derrière son ordinateur.

AMINE : Chers vous dix,
Ce tout petit mail pour vous dire ce que j'ai vu ce soir : les couleurs éblouissantes des fruits et légumes à l'étal, le cycliste qui siffle et roule en zigzags légers comme si la journée l'avait promu à quelque chose, la couturière penchée sur les ourlets derrière la devanture de son atelier, l'affiche "Un intérim dans l'électricité ça vous branche ?", le mec noir et sur-parfumé afin sans doute de se concilier le bonheur, les bières qui coulent à flots dans le crépuscule framboise, les portes de l'école ouvertes et le préau qu'on lave à grandes eaux parce que c'est vendredi soir.
Baci tutti
Amine, le onzième
*
Une femme écrit une lettre.

AURELIE :
Chers vous dix,
Je suis assise sur un ponton de bois, mes jambes traînent dans l'eau super chaude à cause du réchauffement climatique. Le fleuve s'appelle le Danube.
Les gens viennent ici après le travail comme des frappes de guêpes et vrombrissent doucement ... bla bla bla ... je ne comprends pas l'allemand mais ce n'est pas grave, ils tournoient bronzés et délicieux autour de tranches de mortadelle, sautent plongent éclaboussent rient mangent se caressent s'aiment. Infiniment certains ont l'air. Quand je nageais tout à l'heure, lunettes de natations sur le nez, d'immenses carpes marmoréennes glissaient sous moi, ma promenade dans la préhistoire. Je suis seule dans le langage, mais ça va, rassurez-vous. Je n'en reviens pas de me baigner dans le mot Danube, à Vienne, et que ce mot soit à la hauteur de la légende. Très chers vous dix, l'eau est totalement douce et tiède comme les lustres, les bals, les valses, le sentiment atrocement triste d'être Sissi. Station : Alt Donau. A l'horizon, il y a la lumière éparpillée par les vitres des immeubles de verre du quartier financer. 
Je vous embrasse
Aurélie, la onzième
*
* Stéphane Bouquet,
" Les onze"
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